quarta-feira, 19 de março de 2025

Féssaut

Féssaut

Me voilà, trente-sept piges, un gars du soleil,  
Italo-brésilien, né à Belo, merveille.
Là-bas, les élèves crient « fessô » aux profs, si mignon,  
Alors j’leur dis : « Appelez-moi Féssaut, c’est ma chanson ! »  
Un accent qui roule, un clin d’œil phonétique,  
Pour me sentir chez moi dans ce REP pathétique.  
Collège Mozart, tu parles… un naufrage !
Ces mômes savent pas qui est Mozart, quel dommage !  

Premier cours, j’atterris dans un cirque infernal,  
Ça hurle, ça chahute, un bordel total.  
« Féssaut, ton truc, c’est nul, nous c’est Booba qu’on aime,  
Ton saxo, ta samba, garde ça pour tes poèmes ! »  

Ils connaissent pas Gainsbourg, Nougaro, c’est le désert,  
Leur art, c’est du rap qui cogne, un point c’est l’enfer.  
Mais moi, j’ai du jus, un charisme qui tue,  
Je balance mon accent, mon rire dans leur vue.  
« Écoutez, mes gosses, un son qui dépote,  
Wayne et Milton, ça vaut vos idoles en stock ! »  
Je dégaine du classique, du merengue,
Et ces petits fauves, ben, ils suivent ma déglingue.

Les semaines filent, je les mate doucement,  
Moi, Féssaut, je les plie dans mon vent triomphant.  
Un gosse tape un rythme sur un vieux bout de bois, 
Un autre siffle du Jobim, oubliant ses émois.  
« Féssaut, ton délire d’intello, ça déchire ! »  
Je souris, modeste, savourant leur délire.  
Booba reste leur roi, leur dieu du bitume,  
Mais j’leur ai glissé un monde, une plume qui fume.  

Moi, Féssaut, mi-clown, mi-savant du son,  
J’ai ramené Belo Horizonte dans leur feuilleton.  
Avec mon « fessô » et mon savoir qui cogne,  
J’ai dompté ces sauvages, quel rêve qui résonne !  
Ils me kiffent, ils rient, ils me lancent en chœur,  
« Féssaut, t’es barje, mais t’as du cœur ! »

Février 2015